Mois : avril 2017

Exposition « Le Nuage Bleu »

FANNY ALLOING – Traces

Ici une femme à mi-corps tient sa tête penchée sur le côté et croise les bras sur sa poitrine, les doigts écartés frôlant délicatement les épaules. La position du nombril sur le ventre à peine représenté laisse deviner un « contrapposto ». Là une autre est assise dans une posture de délassement royal, les poings serrés rejoignant presque le menton afin de lui proposer un appui. Plus loin un corps allongé sur le côté, les jambes repliées, les bras rassemblés permettant au visage de se reposer sur les mains qu’on devine. Quelques bustes de femmes, d’enfants, d’hommes, droits, penchés en avant, ou le front levé vers le ciel.

Les personnages de Fanny Alloing sont réalisés en raku. Les couleurs de feu – ocre, pain brûlé, noir – qu’elle donne à la terre subliment la douceur des traits, la délicatesse du geste, la tendresse d’une posture.

Qui sont-ils ? Nul n’ose les déranger pour leur demander. Leurs visages sereins, leurs yeux souvent fermés, la position de leurs mains nous tiennent à distance. Ils semblent en communion avec leur corps, dans ces instants de vie appartenant souvent au quotidien. Danseurs au repos avant une reprise de répétition, enfants songeurs, flâneur qui vient de s’arrêter sur un banc pour offrir son visage aux rayons du soleil, femme cherchant le sommeil, jeune cachant sa nudité aux regards de l’autre, à nous d’imaginer.

Leurs corps sont traversés de vides laissés par l’artiste dans la matière, comme autant de fenêtres qui donnent sur rien, fenêtres sur ce qu’on ne sait pas, sur ce qu’on ne saura jamais. Leur chair garde de multiples traces, rugosités de la terre, empreintes de tissus, anfractuosités venues se déposer là, comme pour nous dire leur passé, émotions refoulées, souvenirs accumulés, douleurs qu’on veut oublier.

Ces personnages, nous les connaissons. Ils pourraient être nous.

Elisabeth Picot-Le Roy